The journey is over now // wildemusic.tumblr.com
« Du chaos naît une étoile » Charlie Chaplin
Emotions véhiculées ::: confiance en soi, contemplation, élégance
Son ::: aiguisé, tranchant
Conditions idéales d’écoute ::: dans un fauteuil, un verre de cognac à la main
La première fois, c’est douloureux. Un gros truc comme ça qui vous arrive droit dedans, on perd forcément ses repères, on ne comprend pas trop ce qui nous arrive. La première fois, on ne se sent pas maitre de la situation, on ne sait pas trop quoi faire, quelle posture adopter, on se sent gauche. Et quand on s’y adonne à nouveau, le plaisir commence à se présenter, à vous titiller puis à devenir intense. Comity, c’est un immense pavé qui vous arrive dans la gueule. Au début, au fil des nombreuses premières écoutes, c’est l’incompréhension face à ce bloc monolithique ultra-dense qui vous tombe sur la tête (bien que toujours moins que leur premier album …As Everything Is Tragedy). Mais d’emblée, on se rend compte qu’il y a des profondeurs abyssales à explorer. On persévère donc, et finalement, putain que c’est bon, profond, doux, caverneux.
Alors que le premier album des parisiens était un intense concentré de fougue et de rage, avare en répits, You Left Us Here… se dessine aujourd’hui comme une transition vers des compositions non pas plus aérées, mais qui se déplient davantage, aux structures plus alambiquées, plus subtiles. Les voix, aussi, très gutturales et mise au premier plan sur l’EP, sont ici plus discrètes et ôtent donc de sa noirceur et de son malsain à la nouvelle oeuvre. Bien que la dose de riffs produite dépasse toujours le nombre de pages vides écrites par Frédéric Beigbeder en plus de vingt ans de carrière, les plans ne font pas que se succéder, mais s’enchevêtrent, évoluent et se complètent au fur et à mesure que les morceaux se déploient. Ainsi, Comity, s’il est en un sens moins “in your face“ qu’il ne le fut jadis, continue à être extrême, puissant. Le son est plus tranchant, à couper au couteau, et l’instabilité y est telle, que des passages plus claires, qui pourraient pourtant insuffler à l’album une légèreté nouvelle, lui donnent un côté plus pervers, puisqu’en fin de compte, c’est pour nous hypnotiser davantage qu’ils font surface. On voit ainsi des ouragans se dresser, une tempête immense se défouler. Un océan agité de riffs qui le sont tout autant, une eau glaciale qui fouette le visage, revigorante, qui vous maintien la tête sous l’eau mais qui vous laisse parfois reprendre votre souffle. Non pas grâce à des répits, donc, mais à un je-ne-sais-quoi de fascinant, qui inspire la confiance.
On ne sait trop comment, mais Comity parvient à mélanger des délires hendrixiens, des influences jazz, de la guitare acoustique et même de la cithare (le resplendissant et hypnotisant “Part III“) à tout ce mur de son incroyablement violent et chaotique. Après une mise en contexte consistant en quelques cris et des larsens, le groupe nous emmène donc pour une traversée des océans durant une quarantaine de minutes à bords d’un petit voilier fragile. Après, les détails, ça ne se se raconte pas. A gentlemen never tells. C’est dans sa capacité à ériger des tours immenses avec des briques pourtant minuscules que Comity est le plus unique, le plus rare, le plus important donc. Contemplons l’édifice dans son ensemble, laissons le décorticage aux mathématiciens (littéralement). Ici, on recherche les émotions, le ressenti, le spontané, l’éphémère ; non la raison pure, le cartésianisme, la rationalité. Au vu de la complexité de The Journey Is Over Now, Comity propose en effet une fois de plus un disque qu’il n’est pas facile de raconter. Un disque qui demande beaucoup de temps, dont la vocation est d’être habité, vécu. Un disque qui charme par sa brutalité douce, par son chaos originel, par sa maîtrise incontestable. Et surtout, par sa beauté.